Energy Strategy of Russia: Policy, Regulation, and Future Goals for 2035
Cette rubrique est composée de deux parties : une note rédigée par Enerdata et le Trilemme de l’énergie de la Russie, issu des travaux du Conseil Mondial de l’Énergie.
Politiques énergétiques
Le ministère de l’Énergie est chargé d’élaborer et de mettre en œuvre la politique énergétique de la Fédération de Russie. Le service fédéral anti-monopole (SFA) réglemente le secteur de l’énergie dans le cadre de la loi anti-monopole russe de 1995, qui concerne la régulation des monopoles naturels, notamment en termes d’évolution des tarifs, d’investissements, de régulation des réseaux (pipelines) et de mise en œuvre de la politique d’efficacité énergétique.
La nouvelle « stratégie énergétique de la Russie jusqu’en 2035 » (publiée en 2020) vise à maximiser la contribution de l’industrie des hydrocarbures et à favoriser la sécurité énergétique du pays. Le pays entend améliorer l’efficacité, la fiabilité, l’accessibilité et la qualité de l’approvisionnement énergétique, augmenter la production de gaz naturel liquéfié (GNL) sur les péninsules de Yamal et de Gydan et faire de la Russie un leader mondial dans le domaine de la production et de la consommation d’hydrogène.
La stratégie vise également à développer les infrastructures gazières en Sibérie orientale et en Extrême- Orient pour intégrer le pays dans un système unique d’approvisionnement en gaz. Dans cette stratégie à 2035, la Russie vise également une réduction de 50 % de l’intensité énergétique par unité de PIB entre 2010 et 2035 (-2,7 %/an).
En 2021, le gouvernement russe a annoncé un soutien de l’État aux projets d’énergies renouvelables, avec pour objectif d’ajouter 12 GW d’énergies renouvelables d'ici à 2035. En 2021 également, le ministère de l’Énergie a annoncé qu’il chercherait à augmenter la part des énergies renouvelables à 31,5 % du mix électrique d'ici à 2050 (dont 19 % d’hydroélectricité et 12,5 % d’énergie éolienne et solaire).
Dans sa première contribution déterminée au niveau national (CDN) dévoilée en 2020, la Russie s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 70 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990 (soit atteindre des émissions de 2,2 GtCO2eq en 2030), en tenant compte de la capacité d’absorption maximale possible des forêts du pays.
Situation énergétique
Consommation énergétique :
La consommation totale d’énergie en Russie est restée à peu près stable depuis 2021, atteignant 838 Mtep en 2023. Auparavant, elle avait augmenté rapidement entre 2015 et 2019 (+2,8 %/an) avant de chuter de 4 % en 2020 et de rebondir de 9 % en 2021. La consommation totale par habitant a atteint 5,9 tep en 2023 et la consommation d’électricité par habitant était d’environ 6 961 kWh. En 2023, le gaz représentait la plus grande part de la consommation totale (53 %), suivi du pétrole (19 %), du charbon (17 %), du nucléaire (7 %), de l’hydroélectricité (2 %) et de la biomasse (2 %).
La consommation finale d’énergie a augmenté de 1 % en 2023 pour atteindre 525 Mtep, après une légère baisse en 2022 (-1,3 %). Elle avait rebondi d’environ 7 % en 2021 après une baisse de 3 % en 2020. Elle avait progressé rapidement entre 2013 et 2019 (3 %/an). Le gaz et le pétrole sont les sources d’énergie dominantes pour les consommateurs finaux, avec une part de 29 % chacun en 2023. Ils sont suivis par la chaleur (21 %), l’électricité (13 %) et le charbon (7 %). L’industrie est le principal secteur consommateur d’énergie du pays avec 46 % (dont 16 % pour les usages non énergétiques), suivie par le secteur résidentiel et des services (39 %) et celui des transports (15 %).
Figure 1. Consommation totale d’énergie, Russie, 1990-2023
Source : Enerdata Global Energy & CO2 Data
Capacités et production :
À la fin de l’année 2023, la capacité de production d’électricité de la Russie atteignait 274 GW, dont 188 GW de capacité thermique. Elle était composée de 46 % de gaz, 19 % d’hydroélectricité, 16 % de charbon, 11 % de nucléaire, 6 % de pétrole et 2 % de solaire et éolien. La capacité de production d’électricité au gaz a dépassé les 127 GW à la fin de 2023. La capacité nucléaire est composée de 37 réacteurs répartis sur 11 sites et totalisant 29,5 GW. Les capacités éoliennes et solaires restent relativement négligeables par rapport à la taille du marché : seulement 2,2 GW pour le solaire et 2,5 GW d’éolien (fin 2023).
La production d’électricité n’a augmenté que de 0,7 % en 2023, atteignant 1 178 TWh, après une très légère hausse en 2022 (+0,4 %). Elle a connu un rebond de 6 % en 2021 après une baisse de 3 % en 2020, et a progressé lentement entre 2013 et 2019 (+1 %/an). Le gaz domine largement le mix électrique avec 45 % en 2023, suivi du nucléaire avec 19 %, puis du charbon et de l’hydroélectricité avec 17 % chacun. En 2023, la production nucléaire a baissé de 3 % à 218 TWh, après avoir atteint un record historique de près de 225 TWh en 2022. La part des sources sans CO2 dans le mix électrique a atteint 37 % en 2023 (+4 points depuis 2010).
La production de gaz naturel a diminué de 5,5 % en 2023 à 669 Gm3, après une chute de 12 % en 2022. En 2021, elle avait rebondi de près de 10 %, après une chute de 6 % en 2020. Elle avait augmenté auparavant d’environ 5 %/an entre 2015 et 2019. La Russie est le deuxième producteur mondial de gaz derrière les États-Unis. La production de gaz russe est supérieure à la consommation du pays et couvre l’ensemble de ses besoins.
La production de pétrole brut a chuté de 1,5 % en 2023 pour atteindre 535 Mt, après une hausse de 2 % par an sur la période 2020-2022. Avant cela, elle avait augmenté de 1,3 % par an entre 2014 et 2019 et avait chuté d’environ 8 % en 2020. La Russie est également le deuxième producteur mondial de pétrole brut, derrière les États-Unis et sensiblement au même niveau que l’Arabie saoudite. La Russie a également produit 287 Mt de produits pétroliers en 2023 (+1,8 %). La production de charbon et de lignite a légèrement diminué en 2023 (-1 %), atteignant 429 Mt. La production avait rebondi d’environ 10 % en 2021 et est restée stable en 2022 à 433 Mt. Avant cela, elle avait augmenté très rapidement, d’environ 6 %/an en moyenne, entre 2015 et 2019 et avait chuté de 9 % en 2020. La Russie est le sixième producteur mondial de charbon. La production annuelle de gaz, de pétrole et de charbon russes surpasse largement leur consommation dans le pays.
Figure 2. Capacités installées, Russie, 2023
Source : Enerdata Global Energy & CO2 Data
Figure 3. Production d’électricité, Russie, 1990-2023
Source : Enerdata Global Energy & CO2 Data
Réserves, importations et exportations :
La Russie possède d’importantes ressources énergétiques. Ses réserves de gaz naturel sont estimées à 47 152 Gm3 (fin 2023), soit 23 % des réserves mondiales prouvées. Les réserves de pétrole (14,8 Gt en 2023) représentent environ 6 % des réserves mondiales.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions de l’UE qui en ont résulté ont réduit drastiquement les exportations de gaz russe en 2022 (-30 %) et 2023 (-23 %). Celles-ci se sont établies à 131 bcm en 2023. Les exportations avaient augmenté rapidement jusqu’en 2019 (environ +7 %/an entre 2014 et 2019), atteignant 261 bcm en 2019. Après une baisse de 8 % en 2020, elles avaient rebondi de 1,5 % en 2021. La part de l’approvisionnement en gaz de l’UE fournie par la Russie est passée de 64 % en 2021 à 47 % en 2022 et 39 % en 2023. En volume, les exportations vers l’UE ont chuté de 73 % depuis 2021. En 2022, la Chine est devenue le plus grand importateur de gaz russe avec 14 %, suivie de la Turquie (12 %) et de la Biélorussie (10 %).
La Russie est le deuxième exportateur mondial de pétrole, derrière l’Arabie saoudite. Les exportations de brut ont diminué de 9 % entre 2019 et 2023, atteignant 251 Mt. Elles ont augmenté rapidement entre 2014 et 2019 (+4 %/an), atteignant un pic de 276 Mt en 2019. L’UE a interdit les importations de brut russe par voie maritime à partir de décembre 2022 et, avec les pays du G7, a fixé un prix plafond pour le brut russe. En septembre 2024, la Chine était le plus gros acheteur de brut russe, suivie de l’Inde (47 % et 37 %, respectivement). La Russie a également exporté 121 Mt de produits pétroliers en 2023 (+2,9 %).
Les exportations de charbon ont diminué de 11 % depuis 2021, atteignant 191,5 Mt en 2023, en raison notamment d’une interdiction de l’UE décidée en août 2022. Le pays est aussi un exportateur net d’électricité (9,5 TWh d’exportations nettes en 2023). En comparaison avec sa production et ses exportations, la Russie n’importe que des quantités négligeables de gaz, de pétrole brut, de produits pétroliers, de charbon et d’électricité.
Perspectives énergétiques
Selon la « stratégie énergétique de la Russie pour 2035 », la production de gaz naturel devrait atteindre 885 Gm3 d'ici à 2035, principalement pour répondre à l’augmentation attendue de la consommation intérieure. En 2020, le gouvernement a placé le GNL au centre de sa stratégie énergétique, prévoyant une forte augmentation de la production de GNL. L’objectif pour 2035 a néanmoins été révisé à 140 Mt/an en 2021 (contre 160 Mt auparavant). La Russie vise une part de marché de 20 % sur le marché mondial du GNL. De plus, la production de charbon devrait atteindre entre 485 Mt et 668 Mt d'ici à 2035.
Toujours selon la « stratégie énergétique de la Russie pour 2035 », la production d’électricité devrait atteindre environ 1 400 TWh en 2035. Dans un projet de schéma général dévoilé en 2024, la Russie prévoit d’augmenter la part de l’éolien et du solaire à 7,5 % de la capacité totale du pays (contre 2 % actuellement).
En 2020, le gouvernement russe a approuvé des plans visant à moderniser ses centrales thermiques totalisant 6,8 GW d'ici à 2025 (COMMod-2025). En 2021, 21 projets totalisant 4,2 GW de capacité ont été sélectionnés dans le cadre du projet de modernisation des centrales thermiques pour 2027 (COM- Mod-2027). Les projets ont été retardés en raison de l’interruption des livraisons de turbines étrangères dans le contexte des sanctions internationales.
En 2021, la Russie a décidé d’augmenter la part du nucléaire dans le mix énergétique du pays à 25 % d'ici à 2045, ce qui nécessiterait la construction de 24 nouveaux réacteurs, dont certains dans de nouvelles régions. En août 2024, la Russie a dévoilé un projet de schéma général qui prévoit une augmentation de la capacité nucléaire de 11 % actuellement à plus de 15 % de la capacité totale d'ici à 2042.
Le ministère de l’Énergie a également élaboré une feuille de route pour le développement de l’hydrogène qui prévoit l’exportation de 0,2 Mt d’hydrogène en 2024 et de 1,4 Mt d'ici à 2030. En 2021, la Russie a présenté son atlas des projets d’hydrogène et d’ammoniac, comprenant 33 projets dans 18 régions de Russie.