Cette rubrique est composée de deux parties : une note rédigée par Enerdata et le Trilemme de l’énergie de la Turquie, issu des travaux du Conseil Mondial de l’Énergie.
Politiques énergétiques
Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (ETKB) est responsable du secteur énergétique en Turquie, tandis que l’Autorité de régulation du marché de l’énergie (EPDK) remplit le rôle de régulateur. La Direction générale des énergies renouvelables du ministère est chargée de mettre en œuvre les politiques en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.
En 2023, le pays a publié un Plan énergétique national à l’horizon 2035 qui traite des sources d’énergie naturelles, de la sécurité de l’approvisionnement et de l’efficacité énergétique. Selon ce document, les énergies renouvelables devraient représenter 75 % de la nouvelle capacité électrique qui sera mise en service d'ici à 2035, représentant 65 % du bouquet de capacité à cette date (52 % en 2022). En 2016, une loi sur les zones de ressources énergétiques renouvelables, appelée YEKA, est entrée en vigueur. Elle vise à faciliter la désignation de ces zones et à accélérer le déploiement des renouvelables.
Dans sa contribution déterminée au niveau national (CDN) mise à jour en 2023, la Turquie a proposé de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 de 41 % par rapport à un scénario de référence (contre 21 % dans sa CDN initiale). Cet engagement limiterait les émissions de GES à 695 MtCO2eq (UTCATF inclus), ce qui correspond toutefois à un niveau environ 60 % supérieur à celui de 2012.
Le pays poursuit également un programme nucléaire, prévoyant de construire 23 réacteurs nucléaires répartis dans trois centrales. La construction de la première centrale comprenant 4 unités, Akkuyu, a débuté, et sa première unité devrait devenir pleinement opérationnelle en 2025.
Situation énergétique
Consommation énergétique :
La consommation totale en Turquie s’est contractée de 3 % en 2022, atteignant 156 Mtep, malgré une croissance économique rapide (+ 5,6 %), en raison de fortes hausses des prix énergétiques dans les transports et l’industrie. Elle a augmenté de plus de 8 % en 2021, et était auparavant stable autour de 147 Mtep sur la période 2017-2020, dans un contexte de croissance économique plus faible. La consommation totale d’énergie a crû à un rythme rapide entre 2000 et 2017 (environ 4 %/an). Le mix énergétique est diversifié, avec des parts de marché similaires pour le pétrole (29 %), le gaz (27 %) et le charbon (26 %). Avec la montée en puissance des énergies renouvelables, la part de l’électricité primaire (hydraulique, éolienne et solaire) et de la chaleur progresse et a atteint 15 % en 2022 (contre 5 % en 2010).
La consommation finale a aussi diminué de 3 % en 2022 pour atteindre 114 Mtep, après une forte hausse en 2021 (+ 7 %). Elle a connu une croissance rapide sur la période 2010-2017 (4 %/an) pour ensuite se stabiliser à 110 Mtep. Le pétrole est le principal combustible consommé (37 %) par les consommateurs finaux en 2022, suivi du gaz (24 %), de l’électricité (21 %) et du charbon (12 %). Les ménages et services représentaient 36 % de la consommation finale en 2022, suivis par l’industrie (33 %), les transports (26 %) et les usages non énergétiques (5 %). Ces parts de marché sont restées relativement stables au cours des cinq dernières années.
Figure 1. Consommation totale d'énergie, 1990-2022
Source : Enerdata, Global Energy & CO2 Data
Capacités et production :
À la fin de l’année 2022, la capacité de production d’électricité de la Turquie atteignait 104 GW, comprenant 32 GW d’hydroélectricité (30 %), 26 GW de gaz (24 %), 22 GW de charbon et lignite (22 %), 11 GW d’éolien (11 %), et 9 GW de solaire (9 %). La capacité éolienne du pays a augmenté d’environ 1 GW par an en moyenne depuis 2016, tandis que la capacité solaire a progressé encore plus significativement entre 2017 et 2019, ainsi qu’en 2022 (1,7 GW/an). La capacité géothermique totale s’élevait à 1,7 GW en 2022.
La production d’électricité a diminué de 3 % en 2022, atteignant 326 TWh. Elle avait auparavant augmenté de 9 % en 2021, après être restée stable depuis 2018. En 2022, la part du charbon a augmenté pour atteindre 35 % (proche de sa moyenne sur 2018-2020). L’hydroélectricité a représenté 21 % de la production, en hausse par rapport au bas historique de 17 % en 2021, mais toujours en baisse de 3 points par rapport à la moyenne 2017-2020. L’éolien, le solaire et la géothermie continuent de progresser et représentent 19 % du mix électrique en 2022 (+ 17 points depuis 2010), dont 11 % pour l’éolien. La part du gaz naturel a diminué rapidement depuis 2010 pour atteindre 22 % (- 24 points par rapport à 2010).
En 2022, la Turquie n’a couvert qu’environ 10 % de ses besoins totaux en pétrole avec une production de pétrole brut s’établissant à 4,6 Mt. La capacité totale de raffinage du pays s’établit à 800 000 barils/jour et est répartie sur 6 raffineries. La production de gaz naturel était basse en 2022 (0,4 Gm3), mais devrait augmenter du fait de nouvelles découvertes de gisements de gaz. La production de lignite a atteint des records en 2022 avec une production s’élevant à 95 Mt, tandis que la production de charbon atteignait environ 1 Mt.
Figure 2 : Capacités installées, 2022
Source : Enerdata, Global Energy & CO2 Data
Figure 3 : Production d’électricité, 1990-2022
Source : Enerdata, Global Energy & CO2 Data
Réserves, importations et exportations :
La Turquie disposait de réserves limitées de pétrole et de gaz conventionnel à la fin de 2022 : 50 Mt et 6 Gm3 respectivement. Cependant, le pays détient environ 680 Gm3 de gaz non conventionnel récupérable. Ses ressources en charbon et en lignite (plus de 6 Gt) sont de mauvaise qualité et leur coût d’extraction est élevé (notamment pour le charbon).
Le pays est très dépendant des importations de gaz naturel et de pétrole (99 % et 93 % respectivement en 2022). Les importations nettes de brut et de produits pétroliers ont atteint 45 Mt en 2022, proches de la moyenne 2016-2019. Les importations de gaz ont diminué de 7 % en 2022 pour atteindre 54 Gm3, notamment en raison d’une baisse de la demande de production d’électricité. En 2021, le gaz naturel liquéfié (GNL) représentait 28 % des importations, stable depuis 2019. En 2022, les importations de gaz provenaient principalement de Russie (39 %), d’Iran (18 %), d’Azerbaïdjan (16 %), des États-Unis (10 %) et d’Algérie (10 %).
Les importations de charbon de la Turquie ont fortement augmenté depuis le début des années 2000 (de 8 Mt en 2001 à 22 Mt en 2010 et 36 Mt en 2022). En 2022, le pays était importateur net d’électricité avec 2,7 TWh de balance commerciale. Il avait été exportateur net pendant cinq années consécutives jusqu’en 2021.
Perspectives énergétiques
Dans le cadre de son Plan énergétique national 2035, la Turquie vise à multiplier par six sa capacité solaire pour la porter à 35 GW d'ici à 2035. La capacité éolienne devrait presque tripler pour atteindre 30 GW en 2035. La capacité nucléaire pourrait, quant à elle, atteindre 7,2 GW d'ici à 2035. Un objectif de 4 GW de capacité géothermique pour 2030 a également été fixé. Au total, la capacité installée devrait atteindre 190 GW en 2035. Le pays vise également à réduire les pertes de transmission et distribution à 15 % d'ici à 2030.
Environ 4,8 GW de nucléaire, 3,4 GW d’hydroélectricité, 2,9 GW de charbon, 2,3 GW de gaz, 1,9 GW d’éolien et 1,4 GW de solaire sont actuellement en construction dans le pays. De plus, 9,2 GW de nucléaire, 6,6 GW de solaire, 3,8 GW d’éolien, 3,8 GW de charbon, 1,6 GW de gaz et 1,6 GW d’hydroélectricité sont actuellement dans la phase de développement.
Le pays ambitionne également de devenir un hub gazier reliant les centres de demande européens à la Russie et aux grands producteurs de la mer Caspienne. Il diversifie également en parallèle son approvisionnement en gaz vers le GNL pour réduire sa dépendance au gaz russe.